BERJOAN Elisabeth, Adélaïde, Marie, dite « Elise »
Née le 3 juillet 1897 au Soler (Pyrénées-Orientales), morte le 22 mai 1991 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ;
institutrice ; militante syndicale et communiste ; résistante. À sa
naissance, son père, Jean Berjoan, boucher de son état, était âgé de 30
ans. Sa mère, Françoise Calvet, n'avait que 18 ans. Peu après sa
naissance, ses parents s'installèrent à Saint-Laurent-de-la-Salanque
(Pyrénées-Orientales, gros bourg côtier, rassemblant alors une
population de vignerons et de marins pêcheurs). Élise Berjoan fut
l'aînée d'une famille qui compta cinq enfants, deux garçons et trois
filles. Son frère cadet, Robert, maître d'œuvres à Perpignan (où il vit
toujours, 2005), avait 19 ans de moins qu'elle. Son autre frère,
Joseph, marin, habita un moment à Marseille (Bouches-du-Rhône) où il
eut un engagement politique à gauche : résistant de la cité phocéenne,
il fut déporté en Allemagne ; après la Libération, il s'installa comme
marin pêcheur à Saint-Laurent-de-la-Salanque où il mourut. Les deux
sœurs d'Élise Berjoan, Jeanne et Marie-Thérèse se marièrent et vécurent
à Perpignan.
Élise
Berjoan fut d'abord institutrice aux Angles (Pyrénées-Orientales),
village du Capcir, haut pays de l'ouest du département. Elle occupa
ensuite divers postes avant d'être mutée à Torreilles
(Pyrénées-Orientales), village de la Salanque, à proximité de
Saint-Laurent. D'après sa belle-sœur, ce ne fut qu'à la moitié de sa
carrière professionnelle qu'elle s'engagea dans le syndicalisme tout en
donnant son adhésion au Parti communiste (avant ou, plus
vraisemblablement, après la Libération ?).
Militante
syndicale, Élise Berjoan adhérait au S.N.I. En 1936 (réunion du 26
mai), elle siégeait au conseil départemental de l'enseignement
primaire. Elle était alors en poste à Torreilles. Elle semble avoir
participé à la direction départementale du S.N.I., au moins jusqu'en
1939. Son engagement d'alors auprès de militants comme Léon Sors,
trésorier puis secrétaire général de la section, Aimé Delmas, Lucette
Justafré, Ferdinand Baylard, Robert Bazerbe, proches de l'« École
Émancipée » et souvent militants pivertistes, suggère qu'elle partagea
ces convictions. Adhéra-t-elle, comme beaucoup d'entre eux, à la
S.F.I.O. puis au P.S.O.P. ? Ayant participé à la grève générale du 30
novembre 1938, elle fut sanctionnée par Vichy : elle fit partie d'un
premier groupe d'instituteurs déplacés d'office en date du 1er septembre 1940 par l'Inspecteur d'Académie.
À compter
de la rentrée d'octobre 1940, elle fut donc mutée à Latour-de-Carol, un
village de Cerdagne, à l'autre extrémité du département. Elle sut
s'intégrer rapidement dans ce milieu montagnard, différent de la plaine
roussillonnaise et de Perpignan. Très appréciée de ses élèves - elle
fit preuve d'un grand dynamisme pédagogique - et de la population -
elle organisait des soirées récréatives et montait des pièces de
théâtre - elle participa activement à le Résistance en s'insérant dans
les réseaux qui, dans ce village frontalier de l'Espagne, comme dans
toute la Cerdagne haut lieu de la « guerre secrète » dans les Pyrénées,
assuraient les liaisons avec la France libre et le passage des fugitifs
de toutes sortes (politiques en transit vers Londres ou Alger,
persécutés, raciaux, en particulier). Elle était liée aussi bien aux
réseaux d'Hector Ramonatxo - originaire de Latour-de-Carol, et membre
du SR de l'armée animé par le colonel Paul Paillole (ce réseau très
efficace recruta localement dans les milieux les plus divers) - qu'à
ceux où était impliquée la « filière ecclésiastique » des
Pyrénées-Orientales et aux activités de laquelle participait le curé de
Latour-de-Carol, l'abbé Jean Jacoupy, chargé de la paroisse depuis
avril 1942. Élise Berjoan sympathisa avec le curé. D'après le
témoignage de l'une de ses anciennes élèves, ce serait lui, qui, en
pleine nuit, feignant d'aller donner les derniers sacrements à un
mourant afin de déjouer une patrouille allemande, qui serait venu
l'avertir de son arrestation imminente (le 7 juin 1944, l'Inspecteur
d'Académie constatait qu'elle avait quitté sa résidence alors qu'elle
faisait l'objet d'un mandat d'amener). Elle put ainsi franchir la
frontière et attendre la libération des Pyrénées-Orientales (19 août
1944) à Barcelone grâce à l'infrastructure mise place par les réseaux,
notamment celui d'Hector Ramonatxo, alors présent dans la ville.
Elle fut
de retour à Latour-de-Carol peu de temps après la Libération. Le CDL
remania le conseil municipal de la commune : tout en maintenant le
maire en poste depuis 1942, Pierre Monné, cet organisme désigna Élise
Berjoan conseillère municipale. Elle s'occupa de régler la partie
immobilière du « legs Vernis » (testament du 25 janvier 1940). Le 27
juillet 1941, le conseil municipal avait décidé de transformer
l'immeuble légué en un asile de vieillards, mais la guerre empêcha la
réalisation de ce projet. Élise Berjoan négocia avec l'Association des
pupilles de l'enseignement public des Pyrénées-Orientales afin de le
transformer en colonie de vacances. Ce fut chose faite, après qu'elle
eut quitté la commune, par le conseil municipal élu les 29 avril et 13
mai 1945. Aujourd'hui cet immeuble est devenu un internat qui accueille
les cas sociaux et les adolescents sous contrôle judiciaire des
Pyrénées-Orientales.
En 1945,
Élise Berjoan retrouva un poste à Perpignan. Mais elle garda des liens
étroits avec Latour-de-Carol où elle se rendait en villégiature. À la
rentrée de 1945, elle était en poste dans une école du Haut Vernet,
quartier populaire du Nord de Perpignan. Sans doute plus tard, elle fut
en poste à l'école Lamartine, dans le quartier perpignanais du Bas
Vernet.
Désormais
militante du P.C.F., elle reprit ses activités syndicales. Elle
siégeait (décembre 1945) au conseil syndical du Syndicat unique de
l'enseignement (F.E.N., C.G.T.). Ce S.U. de l'Enseignement fut une
particularité des Pyrénées-Orientales qui subsista jusqu'au passage de
la F.E.N. à l'autonomie qui permit, localement, la reconstitution des
sections départementales des syndicats nationaux. Le 17 décembre 1945,
elle fut élue du S.U. au conseil départemental de l'enseignement
primaire où elle siégea jusqu'en 1948 ou 1949. Elle fut, en 1949, élue
titulaire de la section départementale du S.N.I. à la C.A.P.D. et le
demeura jusqu'aux élections du 29 avril 1952 qui permirent le
renouvellement de cette instance. Elle fut également, en 1949,
représentante titulaire du personnel (élue du S.N.I.) au Comité
technique paritaire. Elle passa la dernière année de sa vie dans une
maison de retraite perpignanaise, "Les Jardins Saint-Jacques", près du
quartier perpignanais de Saint-Jacques. Elle y mourut en 1991.
Sources :Archives Départementales des Pyrénées-Orientales, 39 W 43 (nomination de l'abbé Jacoupy à Latour-de-Carol). — Archives communales de Latour-de-Carol, registre des délibérations du CM. — Archives communales du Soler, état civil. — Archives
privées André Baient, notes rédigées à son intention (juillet 1984) par
Michel Ribera, ancien dirigeant de la F.E.N. et du S.N.I. des
Pyrénées-Orientales. — Jacques CHURET, La Tour (1838-1971), héritière de Quérol, Imprimerie Sensevy, Perpignan, 1972, 121 p. — Françoise FABRÉ, « Deux figures carolanes sous l'occupation », Records de l'Aravó, 1, Latour-de-Carol, 2004, pp. 16-17 (témoignage d'une ancienne élève d'Élise Berjoan). — Jean LARRIEU, Vichy, l'occupation nazie et la résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Terra Nostra, Prades, 1994, 400 p. [p. 50, p. 282]. — Témoignage oral (conversation téléphonique, 13 septembre 2005) de sa belle-sœur, épouse de Robert Berjoan.
André Balent |